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Au cours de sa carrière, il a lévité au-dessus du grand canyon, traversé la muraille de Chine, fait disparaître un avion ou encore la Statue de la Liberté. David Copperfield est une légende vivante du monde de la magie.
https://www.youtu.be.com/watch?v=mAZQN2uZaKg
Entrepreneur dans l’âme, il a vendu plus de places que n’importe quel artiste, toutes catégories confondues.
Son dernier spectacle en France remonte à 2005. À Las Vegas, il continue de donner deux spectacles par jour, 7 jours sur 7.
En parallèle, il développe ses îles de l’archipel Copperfield dans les Bahamas. Ce complexe hôtelier, Musha Cay, est un petit coin de paradis privatisable.
Au cours de son séjour à Las Vegas, notre magicien rédacteur Johann Bayle a eu le privilège de l’interviewer.
Johann Bayle : Qu’est-ce qui vous donne le sourire le matin ?
David Copperfield : le fait de savoir que je vais faire quelque chose qui va, je l’espère, inspirer les gens. Mon show s’intitule « Vivre l’Impossible ». Le message est de se battre pour ses rêves, de surmonter ses obstacles et ses doutes.
Beaucoup de personnes que je connais ont été inspirées par des éléments inattendus. Le brillant inventeur et entrepreneur Elon Musk a trouvé de l’inspiration dans les bandes dessinées. De nombreux scientifiques de la NASA ont été inspirés par Star Wars et Star Trek. Dans mon cas, voir des gens comme Walt Disney, Fred Astaire, Gene Kelly, Orson Wells, Victor Fleming ou encore Frank Sinatra m’a inspiré pour faire ce que je fais dans l’univers de la magie.
La magie que j’élabore et que je présente dans mon spectacle a pour vocation d’inspirer la prochaine génération de rêveurs.
JB : Votre dernier spectacle en France date de 2005. Au cours des 10 dernières années, en parallèle de vos spectacles, vous avez développé vos îles dans les Bahamas : Musha Cay et les îles de la Baie Copperfield. Pourriez-vous nous parler de ce projet et de son lien avec votre passion pour la magie ?
DC : L’archipel de Musha Cay est un projet dont j’ai rêvé et dont je suis très fier. Il est toujours inclus dans le top 10 et top 100 des meilleurs hôtels du monde. Il s’agit d’une expérience sur mesure avec l’objectif dont vous parliez : faire sourire les gens. L’idée, c’est de prendre des milliardaires, des gens qui peuvent aller partout, qui ont tout vu, tout fait, et leur apporter cette sensation d’émerveillement. Les inspirer au travers d’expériences qu’ils ne pourraient pas vivre ailleurs.
C’est également l’objectif de mon spectacle. Toutes mes nouveautés magiques visent à toucher, fasciner et émerveiller.
JB : Pourriez-vous partager un exemple d’une personne qui a été particulièrement inspirée par votre spectacle, et qui vous en a informé ? Peut-être une personne venant de l’univers de la magie, ou même d’un autre domaine ?
DC : Je reçois effectivement des messages et aujourd’hui, grâce aux médias sociaux, j’ai un retour rapide des gens que j’aurais affectés, de ce que mon spectacle leur a apporté. Si vous regardez ma page Twitter, vous pourrez voir que les spectateurs comprennent clairement le message : vivre l’impossible dans leur propre vie.
Dans le domaine de la magie, le challenge est de trouver des gens qui appliqueront cette idée pour rendre leur vie meilleure ou plus unique. Ce qui me fait vraiment chaud au cœur c’est, par exemple, cette femme qui approche la cinquantaine et qui nous a écrit pour nous dire : « Pendant des années, j’ai voulu danser, être danseuse, mais cela m’effrayait. Je n’ai jamais vraiment osé. Après avoir vu votre spectacle, je me suis inscrite à un club, et je vais enfin danser devant des gens, ce que je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire ». C’est un parfait exemple de vivre l’impossible. Je lui ai envoyé des fleurs le jour de l’événement où elle allait danser pour la première fois. C’est cela qui me rend vraiment heureux. Le simple fait de voir des choses impossibles sur scène peut inspirer les gens à prendre des risques et à vivre l’impossible dans leur propre vie.
Mon spectacle commence par un petit film de mon père et moi. Quand j’étais enfant, on me disait que devenir magicien était un rêve ridicule, un travail qui ne pourrait jamais nourrir une famille. Au moment où j’étais prêt à tout abandonner, en larmes à l’âge de 10 ans, mon père est venu me voir et m’a dit : « Peu importe si tout le monde dit que tes rêves sont impossibles… Regarde, David, tu vis l’impossible ». Et c’est ce qui m’a donné la force de me battre pour mes rêves.
JB : Mon grand-père m’a dit quelque chose d’un peu différent. Je suis devenu magicien professionnel à l’âge de 23 ans, et cela n’avait pas l’air de lui faire particulièrement plaisir. Son point de vue semblait être : « Magicien n’est pas un vrai métier. Un vrai métier a une utilité pour la société. Comme construire des voitures, ou quelque chose de concret ». Que répondriez-vous à quelqu’un comme lui, qui pense que « la magie n’est pas vraiment utile » ?
DC : Eh bien, je comprends que quelqu’un puisse penser de cette manière. Il est triste également que les enseignants ne soient pas rémunérés à la hauteur de leur utilité. Ils font quelque chose d’extrêmement important pour la société.
Le travail des docteurs et des architectes est directement visible. Mais dans notre monde, la plupart des gens les plus récompensés quand ils atteignent le succès travaillent dans le domaine du divertissement, du cinéma, des gens qui transportent le public. Et la raison pour laquelle ils sont tant récompensés, je pense, c’est parce que leur travail, d’une certaine manière, est aussi important que celui de ceux qui construisent des objets.
Les gens ont besoin de rêver, d’être transportés. Chacun d’entre nous en a besoin… Alors même si c’est difficile de comprendre combien c’est important, la société continue de le réaffirmer en mettant à l’honneur les performeurs, en récompensant les gens qui apportent du rêve. Donc je pense que cela construit quelque chose ; je ne suis pas certain que votre grand-père serait d’accord, mais c’est comme ça que je vois les choses.
JB : Vous connaissez probablement tous les secrets des tours de magie, alors je suppose que ce n’est pas la magie qui peut vous faire rêver, vous, David Copperfield. Qu’est-ce qui vous fait rêver ? Qu’est-ce qui est magique pour vous ?
DC : Je pense ressentir la même chose que ressent le public de mon spectacle quand je vois un bon film ou un bon spectacle de Broadway. Cela n’arrive pas aussi fréquemment que je le souhaiterais, mais quand cela arrive, c’est une sensation merveilleuse.
JB : À propos de réaliser l’impossible, quand on vous voit sur scène ou à la télévision, vous paraissez très sûr de vous et charismatique. Dans une interview récente, vous avez dit que vous vous considériez comme une personne timide, ce qui peut paraître surprenant. Que diriez-vous aux gens qui pensent être trop timides pour avoir du succès ?
DC : Il n’y a rien de mal à être une personne timide. Je pense qu’il faut le combattre : il faut sortir de son lit et réaliser des choses. C’est dur d’être timide et je me sers de la scène pour surmonter cette timidité. Je la combats. Je combats toujours mes peurs. Je pense qu’il faut utiliser sa timidité à son avantage, et considérer que cela fait partie de sa propre aventure.
JB : « Utiliser sa timidité à son avantage » ? Que voulez-vous dire exactement ?
DC : Quand je fais une erreur sur scène, comme trébucher dans les escaliers, je joue la carte de l’autodérision. Le public se sent plus proche de nous grâce a nos imperfections, y compris la timidité.
JB : Vous êtes connu pour être perfectionniste. Dans une autre interview, vous avez dit que bien que vous ayez réalisé des centaines d’illusions et de méga illusions (disparition de la Statue de la Liberté, lévitation au-dessus du grand canyon…), vous n’étiez pas complètement satisfait de la majorité d’entre elles. Vous êtes, je crois, satisfait de l’illusion du Flying, ou du Death saw challenge. Quels sont les éléments nécessaires pour que vous soyez satisfait d’une illusion ?
DC : Je pense que chaque illusion est comme un film. Plusieurs éléments contribuent à son succès. Je peux aimer un film, alors que son réalisateur lui-même peut le détester, même si la cinématographie, les mots et la musique sont parfaits. Très souvent, je vais détester quelque chose que mon public va aimer. C’est très rare que je sois vraiment satisfait de mon travail, et c’est une source de challenge permanent.
JB : Robert Houdin est une autre de vos sources d’inspiration. Personnellement, il m’a également inspiré pour plusieurs raisons. J’aimais beaucoup son idée que, pour réussir en magie, il fallait développer deux sens : le sens de la vue et celui du toucher. Afin de les développer, il s’entraînait à jongler tout en lisant un livre. Pourriez-vous partager une ou deux de ses idées qui vous ont particulièrement inspiré dans votre carrière ?
DC : Il y a d’abord le fait qu’il prenait les éléments qui faisaient partie de la société, qui étaient dans l’air du temps, pour les combiner dans sa magie. Il accordait de l’importance au « langage de son époque » – pas le langage verbal, mais le langage de ce qui était « cool » à son temps – pour l’intégrer à son travail. Par exemple, sa « lévitation à l’éther » (note de l’éditeur : dans cette illusion, Robert Houdin mettait son fils en lévitation et expliquait ce phénomène grâce aux propriétés magiques d’une substance récemment découverte dont les gens parlaient beaucoup : l’éther… ).
Ensuite, sa manière de combiner invention et performance m’a beaucoup inspiré. Dans mon spectacle, il y a l’exemple des effets magiques avec les téléphones portables et Internet. Je fais avec les choses dont les gens parlent et auxquelles ils pensent. L’idée est de combiner ce que nous faisons avec ce qui est important dans le présent.
JB : Vous mentionnez souvent vos « 3P » : passion, préparation et persistance. Cela fait plus de 40 ans que vous pratiquez la magie. Comment gardez-vous la flamme de la passion allumée ?
DC : En trouvant des projets uniques qui font avancer l’art de la magie. C’est cela qui me stimule. C’est, je pense, la même chose qui motive un réalisateur de film : trouver un concept unique, une histoire qui n’a pas été racontée, ou alors la raconter d’une manière nouvelle ; c’est très motivant.
JB : Que diriez-vous à une personne qui a ce que l’on pourrait appeler un « travail normal », comme un comptable ou un agent commercial, pour l’aider à rester motivé au quotidien ?
DC : Ce serait la même idée, je pense : trouver quelque chose dans sa vie. Si votre travail ne vous fournit pas d’opportunité unique ou de défi pour vous développer ou vous stimuler, cherchez peut-être à l’extérieur : un hobby, ou autre chose, un intérêt qui maintiendra votre flamme intérieure allumée.
JB : Robert Houdin avait effectué un spectacle spécial devant le Pape. Avez-vous à l’esprit l’un de vos spectacles qui restera très spécial de par la présence de spectateurs particuliers dans le public ?
DC : J’ai été très chanceux. J’ai fait des spectacles devant cinq présidents, devant des rois et des reines, et j’ai effectué de nombreuses tournées mondiales. Ces objectifs sont cochés de la liste, et cela me satisfait amplement. Pour moi, aujourd’hui, il s’agit de produire de nouvelles créations, de relever de nouveaux défis et de développer de nouvelles opportunités.
JB : À propos d’inspiration… Il est intéressant de faire une analogie entre la manière de réaliser l’impossible en magie avec la manière dont les gens peuvent aborder un problème qui semble insoluble dans leur propre vie. Quand vous décidez de créer une nouvelle illusion, quels sont vos différents points de départ, vos différents angles de travail ? Commencez-vous par l’effet ? Par les méthodes existantes ? En étudiant ce que d’autres magiciens ont déjà fait ?
DC : C’est un peu tout ce que vous venez de mentionner. Parfois, il va s’agir de méthodes existantes ou d’une chose que quelqu’un d’autre a mentionnée, à partir de laquelle je vais travailler à ma façon. Tout dépend. Les meilleures choses que j’ai faites sont parties de zéro, comme par exemple l’illusion où je me téléporte sur une plage avec un membre du public. Il s’agissait de mes propres inventions, avec la collaboration de mon équipe. Et nous partions de rien.
L’illusion du dinosaure, bien qu’ayant des racines dans des principes classiques, est pour l’essentiel nouvelle et va surprendre les gens. Parfois, je prends le principe de quelqu’un d’autre pour lui donner une nouvelle vie et le réinterpréter.
Très souvent, il s’agira d’une histoire ou d’une idée que je souhaite communiquer. Cela sera le point de départ, et nous nous demanderons ensuite comment le réaliser.
Alors je pense que votre question serait comme demander à un compositeur de chansons : « Qu’est-ce qui vient en premier : la musique ou les paroles » ? Généralement, à quelques exceptions près, cela varie. Parfois, il s’agira d’une phrase que le compositeur va aimer ou d’une expression qui donnera ensuite naissance à la musique… Parfois, une mélodie apparaîtra dans son esprit et les paroles s’ajouteront ensuite. Je pense que chaque création est un cas unique.
JB : À propos des compositeurs et de Disney, j’ai été très inspiré par Alan Menken, que vous connaissez peut-être : c’est lui qui a composé la musique de La Belle et la Bête, La Petite Sirène, Aladdin, etc. Il expliquait qu’une partie de sa créativité venait de ses collaborations avec des paroliers et d’autres artistes.
DC : Intéressant. J’ai rencontré Alan Menken par le passé, mais je ne sais pas exactement s’il écrit les paroles ou la musique…
JB : Il écrit la musique.
DC : C’est ce que je pensais, car dans ce cas, il a un vrai besoin de collaborer. Léonard Bernstein écrivait la musique, Sondheim écrivait les paroles avant de se mettre à écrire la musique. Dans West Side Story, il écrivait les paroles. Je trouve que la situation est encore plus claire avec Elton John qui écrit la musique et qui a besoin de Tim Rice ou de Bernie Taupin pour écrire les paroles.
Dans le domaine de la magie, vous savez, cela se passe dans les deux sens. J’aime faire les deux. J’aime écrire les histoires, le script, m’occuper de l’éclairage, de la musique, mais je réalise que pour continuer à créer des choses nouvelles, je dois être ouvert aux nouvelles idées, aux nouvelles pensées. Spielberg peut écrire un script, mais il collabore avec des gens en qui il a confiance pour le faire, gérer la cinématographie, le décor, etc. Son rôle est d’orchestrer tout cela autour d’une vision unique.
J’aime faire les choses par moi-même, mais j’apprécie également le processus de collaboration. Collaborer avec les autres offre des idées nouvelles. J’aime le fait d’améliorer les choses petit à petit, et le rôle d’une équipe pour cela est très précieux.
JB : Les membres de votre équipe sont-ils toujours contents de partager leurs idées ? Je pose cette question naïve car dans certains groupes, il arrive que des personnes soient très attachées à leurs idées et veuillent en avoir le crédit. En magie, la personne qui partage son idée ne sera pas forcément celle qui la présentera sur scène. Parfois même, certains collègues se volent les idées. Comment gérez-vous la créativité des membres de votre équipe ?
DC : Je pense qu’il est important d’encourager les gens à créer et de leur faire comprendre qu’ils en tireront une réelle reconnaissance et des remerciements. Quand vous voyez travailler un grand directeur de films, vous voyez qu’il est généralement généreux en compliments pour son équipe et qu’il ne s’attribue pas tout le mérite – bien qu’il mérite une grande partie de la reconnaissance parce qu’il a lui-même provoqué ces idées. Les personnes qui travaillent autour de lui ont besoin d’être récompensées, compensées et flattées, aussitôt qu’elles le méritent.
JB : Si je comprends bien, le fait de donner aux membres de l’équipe le sentiment d’être reconnus et récompensés pour leurs idées est une puissante source de motivation pour eux.
DC : Exactement. Il y a une citation de JFK – qui a peut-être cité quelqu’un d’autre : « Pour réaliser des grandes choses, il faut savoir oublier qui en aura le crédit ». On atteint la grandeur si les gens ne cherchent pas à en tirer de la reconnaissance personnelle. Malheureusement, la nature humaine amène les gens à rechercher leur intérêt. Plus le temps passe, plus nous vivons dans un monde centré sur l’intérêt et le besoin de reconnaissance. Les gens sont de plus en plus individualistes et se demandent « quel sera mon intérêt » ? Je trouve cette attitude anti-créative. Cela n’encourage pas à un effort collectif.
Alors je pense que, dans une équipe, pour combattre cela, il est important de donner aux membres le sentiment d’appréciation, de crédit et de leur faire comprendre qu’ils n’ont pas à avoir peur que leurs idées soient volées par quelqu’un d’autre.
JB : À propos du partage des idées : il y a très longtemps, Walt Disney lui-même avait l’habitude d’apparaître à la télévision juste avant le dessin animé. Il présentait aux téléspectateurs non seulement ses opinions sur l’art de raconter des histoires mais également ses dernières innovations d’effets visuels. Certaines personnes étaient surprises parce qu’elles pensaient qu’il aurait mieux fait de garder ses secrets, au lieu de les partager.
Dans le domaine de la magie, sur Internet aujourd’hui, nous pouvons trouver de nombreux secrets du métier. Certaines personnes estiment cela positif car chacun peut se mettre à apprendre la magie grâce à ces ressources ; d’autres estiment au contraire que cela peut détruire la magie car elle repose précisément sur ses secrets. Quel serait votre position à propos de partager des idées magiques sur Internet ?
DC : Je travaille dans le « domaine de l’émerveillement ». Mon travail est d’émerveiller les gens. Quand certaines personnes essayent de révéler très rapidement ce qui a pris des années à créer, ce n’est pas super. Et malheureusement, Internet a donné une voix à ces gens qui agissent comme des enfants. Ma solution, mon antidote pour cela, bien avant Internet, face à ceux qui essayaient de révéler les secrets, était de créer des méthodes multiples pour mes illusions : si un secret est révélé sur Internet ou dans un journal, je conserve l’illusion mais je change la méthode. Heureusement, cela ne nous a pas encore affectés.
Mais je pense que partager des idées par Internet est merveilleux. Partager la technologie est merveilleux. Mais si l’objectif est de détruire l’émerveillement… alors je ne suis pas très fan.
JB : Parmi les magiciens, il y a un grand débat : « La magie est-elle un art ? » Si je reformule cette question : selon vous, à partir de quel moment la magie devient-elle un art ? Pour prendre l’analogie de la musique : si quelqu’un joue un beau morceau de Chopin ou de Beethoven, eh bien oui, cela peut être considéré comme de l’art, mais c’est une interprétation. Alors peut-être que si un musicien joue une musique qu’il a lui-même composée, cela pourrait être considéré comme un niveau plus élevé d’expression personnelle, et donc, d’art.
De même, certains magiciens estiment que la magie est un art si elle n’est pas copiée, si c’est une expression personnelle. Dans votre esprit, quand la magie devient-elle un art ? Quels ingrédients lui sont nécessaires pour qu’elle soit considérée comme telle ?
DC : C’est un tout : la création et l’exécution. Cela dépend d’abord de la manière dont la magie est créée. Pourrait-on considérer que la musique ne soit pas un art ? La plupart des gens pensent que ça en est un. Ou la peinture, c’est de l’art. Mais si un enfant prend un pinceau et gribouille sur un papier, cela n’est pas nécessairement de l’art. Une personne peut chanter une chanson, une chanson très simple, sans en faire de l’art.
Cela dépend beaucoup de l’exécution. En utilisant les mêmes outils, un grand artiste peut créer quelque chose de mémorable et le présenter d’une manière artistique. Vous pouvez faire de pratiquement tout un art. Qu’il s’agisse de sculpture, de peinture, de musique ou de danse. Tout le monde peut danser, bouger. Cela ne signifie pas être un artiste ; ce n’est pas parce que notre cousin peut se dandiner que la danse n’en est pas moins une forme d’art.
En magie, je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup d’artistes, mais ceux qui le sont ont créé quelque chose de nouveau, l’ont présenté d’une manière unique, d’une manière artistique, qui a affecté la vie des gens. Ou motivé quelqu’un. Je pense que l’enjeu est là.
JB : J’aime beaucoup cette idée, parce que si pratiquement tout peut devenir un art quand il s’agit de création, d’exécution et d’expression, alors peut-être que quelqu’un qui n’a pas un travail particulièrement artistique –un comptable ou un vendeur – peut considérer son propre travail comme une potentielle forme d’art et en améliorer l’exécution.
DC : Je pense que c’est très vrai. Nous avons vu des cas où le business est presque une forme d’art. Tout est dans la manière dont c’est réalisé… avec beauté.
JB : Vous comparez souvent la magie au cinéma, parfois à la musique. Y aurait-il d’autres formes d’art en particulier auquel vous compareriez la magie ?
DC : Vous savez, je pense que tout… Il s’agit de tout voir comme un art… Et en réalité, c’est cela mon secret. Quand j’étais enfant, j’idolâtrais Frank Sinatra. Une de ses caractéristiques : il ne copiait pas les autres chanteurs. Il copiait le phrasé et la respiration des joueurs de saxophone. C’était toujours dans le monde de la musique, mais il copiait le contrôle respiratoire en dehors des techniques des chanteurs… J’adorais cette idée.
Alors j’essaye de ne pas être motivé par des magiciens, mais plutôt par les réalisateurs de films et les autres artistes en dehors de la magie. Et je pense que c’est cela qui m’a conduit là où j’en suis.
JB : Ce qui nous amène directement à ma prochaine question : comment chacun d’entre nous peut-il ajouter davantage de magie dans sa vie quotidienne ?
DC : En trouvant des choses que vous aimez vraiment. Des choses qui vous inspirent, qui vous font ressentir d’une manière particulière. Voici ma démarche : Dites-vous « Je suis allé voir ce musicien, cette exposition, cet artiste, ce spectacle, ce film… et cela m’a vraiment touché. J’ai adoré. OK… Pourquoi ai-je été touché par cela ? Pourquoi ai-je été ému ? Affecté ? Maintenant je comprends : cela m’a touché pour telle et telle raison. Alors je retourne le voir et je me demande : comment ont-ils fait pour me faire ressentir de cette manière ? À moi de comprendre… » La première étape, c’est de comprendre pourquoi vous avez ressenti cette sensation. Quel a été l’élément déclencheur ?
Ensuite, arrivé à ce point, regardez votre propre travail, et demandez-vous ce dont vous avez besoin pour le rendre meilleur. « Comment puis-je intégrer cet élément dans ce que je fais ? Comment puis-je, à force de travail, incorporer le même genre de technique, de sensations, ce qui m’a affecté ? Comment puis-je le rendre présent dans mon travail ? ».
Par exemple : « Je vends des chaussures dans un magasin. Comment puis-je intégrer un nouvel élément ? » Si la musique d’un film vous a vraiment donné le sourire ou mis de bonne humeur, alors dans votre magasin, à vous de trouver une playlist qui mette le client dans ce même état de bonne humeur. Si ce n’était pas la musique, c’était peut-être le beau décor du film. Alors peut-être que dans votre magasin vous pourriez organiser les choses sur les étagères d’une manière spéciale qui vous fasse vous sentir bien.
Vraiment, vous savez, je pense que ce raisonnement peut se traduire dans chaque petite chose que nous faisons. Visons le niveau d’excellence, de perfection. Où cela commence-t-il ? Cela commence par voir quelque chose et comprendre pourquoi vous avez ressenti cette sensation à l’intérieur de vous. Qu’est-ce qui vous a rendu heureux en voyant cette expérience ? Comment cela a-t-il fonctionné ? Et comment pourriez-vous incorporer cela dans ce que vous faites ? C’est ma démarche avec la magie.
JB : Si vous êtes perfectionniste et visez l’amélioration constante, je suppose que parfois après un spectacle, vous rentrez chez vous satisfait, et peut-être parfois moins satisfait… Qu’est-ce qui dans votre spectacle du jour vous fera vous endormir avec le sourire ?
DC : Si nous améliorons une partie du spectacle ne serait-ce qu’un tout petit peu. Si nous trouvons une nouvelle manière de dire une réplique, de présenter une illusion, de rendre meilleur un tout petit élément… Cela me rend très, très heureux. Il y a des jours où c’est le cas et d’autres où ça ne l’est pas.
JB : Vous faites 15 spectacles par semaine. Comment faites-vous pour garder un tel niveau d’énergie ?
DC : Je n’aime pas m’ennuyer. J’aime les projets nouveaux et découvrir des choses qui n’ont jamais été faites. Et je fais des siestes. Je fais beaucoup de siestes…
JB : (Rires) C’était également un des secrets de Napoléon. Dernière question : on dit que la vie de chaque grand homme peut être résumée en une phrase. Par exemple, Thomas Edison : l’homme qui a inventé l’ampoule. Harry Houdini : l’homme qui pouvait s’échapper de tout, etc.
Quelle serait, s’il pouvait y en avoir une, la phrase pour David Copperfield ? L’homme qui…?
DC : C’est une réponse qui est encore en construction (rires). J’essaye d’y répondre moi-même. Je dirais… L’homme qui inspire les gens à réaliser leur rêve… Ça serait bien. Mais j’y réfléchis encore. C’est une histoire en cours d’écriture.
Le résultat est de créer des expériences qui font rêver les gens. Et si je ne peux pas les faire rêver, j’aimerais les amener à encourager d’autres personnes à rêver. Trop souvent les gens se disent : « Je ne peux pas faire ça. Je ne peux pas changer ma vie ». Mais ce qu’ils peuvent faire, c’est inspirer la prochaine génération de rêveurs. Inspirer leur enfant, leur cousin, leur neveu. « Sortez de chez vous et vivez vos rêves ». Je pense que répandre ce message aidera à changer le monde.