Crédit : www.mademoisellemaurice.com - Photo : Stève Siracuse

Quand on n’a que l’Humour

Interview d’Étienne Moulron (fondateur du PHARE, du premier Village du Rire, du prix de l’Humour de Résistance et de la Maison du Rire) moulron 1

 

Je suivais depuis quelques temps le parcours atypique et les initiatives foisonnantes d’un délicieux personnage haut en couleur que j’ai eu la joie d’interviewer.


Thierry : Étienne, comment un Belge amoureux des livres devient-il un Bourguignon rieur ?


Étienne Moulron : (rire) c’est un bon résumé de mon parcours. Je suis tombé dans les deux marmites que mon père affectionnait, à savoir son amour des livres et son sens de l’humour.

Puis, après une carrière chez Gallimard, j’ai initié toutes sortes de projets relatifs à l’humour, poursuivant ainsi la tradition familiale.

La vie m’a apporté son lot de joies et de peines, mais je me suis rendu compte que le meilleur moyen de relativiser, sans tomber dans l’optimiste béat, était l’humour.

On a deux certitudes dans cette vie : la première, qu’on est arrivé un jour et l’autre, que l’on va repartir.

L’humour et les livres ont des liens privilégiés, les grands de l’humour ayant toujours eu le sens de la plume, comme par exemple mes deux grands maîtres Pierre Dac et Alphonse Allais, à lire de toute urgence.


T : Ce qui m’a interpellé dans ta démarche, c’est ton côté militant de l’humour et le fait que tes démarches s’inscrivent toujours dans la réalité.


E : Oui, l’humour ce n’est pas seulement des blagues sur les blondes.

C’est l’humour attitude, une manière d’être envers soi et avec les autres, qui consiste essentiellement à ne pas se prendre au sérieux, mais à le faire sérieusement.


T : Tu présentes une liste aux prochaines municipales. L’humour voudrait t-il prendre le pouvoir ?


E : C’est une façon de témoigner de l’importance du rire et de la nécessité d’une humour attitude, et de profiter de ces élections pour témoigner de l’importance de privilégier l’humour dans les relations sociales, sans que cette démarche vise à exercer le pouvoir mais d’intégrer, par le biais de nos propositions, la prise en compte de cette attitude relativiste et humoristique en politique et dans les rapports que nous entretenons avec les autres.

Dans le mot humour il y a deux mots essentiels, c’est le mot humain et le mot amour.


T : Ce qui m’a particulièrement plu dans ce que j’ai vu de tes réalisations, c’est non seulement l’humour attitude mais aussi l’humour résistance et en particulier dans la réédition à laquelle tu as contribué de L’humour sous le IIIe Reich.


E : C’est un ouvrage qui n’avait jamais été traduit en français, auquel nous avons attribué le prix de l’humour de résistance.

Les juifs, d’ailleurs, peuvent attester de cet humour de résistance même dans les circonstances les plus dures à l’intérieur des camps. Nous avons donc également récompensé ce magnifique livre sur le sujet Rire, mémoire, Shoah ou également Germaine TILLION, déportée à Ravensbrück, où elle composa le Verfügbar aux enfers, opérette-bouffe dans laquelle elle se moquait des SS et de ses conditions de détention ! Elle disait par exemple : « Au fond, à Ravensbrück, on avait tout : l’eau, l’électricté et… le gaz ! » et elle ajoutait, dans un humour au 4e degré : « … et surtout le gaz ! »

D’un courage absolu donc.

Jean-Louis Fournier, comparse de Pierre Desproges, père de deux enfants handicapés, a lui aussi choisi l’humour pour parler de la manière de dépasser ses difficultés avec son livre : Où on va papa ?

Ce prix a aussi été attribué à un flibustier frondeur comme Jean-Piere Mocky.

 

T : J’ai une question d’importance, qui m’a turlupiné depuis que j’ai découvert tes actions : À quoi sert un cintreur de bananes ?

 

E : C’est un appareil fétiche de la Maison du Rire ! Il existait déjà sous l’Ancien Régime et servait effectivement à cintrer les bananes afin de leur donner une forme plus, disons… voluptueuse et donc plus appétissante que la forme plus droite qui leur est naturelle.


T : Entre la Maison du Rire, le PHARE, ton projet du premier Village du Rire, les prix dont nous avons parlé, quelles sont les difficultés ou les succès que tu rencontres ?


E : L’humour n’est pas toujours pris au sérieux alors que moi – à l’instar d’Alphone Allais – « je ne plaisante jamais avec l’humour » et je gère toujours ces projets avec beaucoup de sérieux, comme le Village du Rire où il y a également un montage économique et une étude sociologique afin d’en assurer la réussite.



T : J’ai lu dans ta présentation que tu avais été sauvé par l’humour ?


E : C’est tout à fait exact. À un moment difficile de ma vie, où j’étais assailli d’idées noires, j’ai retrouvé le sens de ma vie en faisant appel à mon sens de l’humour et j’ai ainsi retrouvé l’amour de la vie.

 

Retrouvez toutes les initiatives d’Etienne Moulron sur http://lephare1.e-monsite.com/