Entretien avec Pascale de Gail-Athis, psychobiologue
Nous avons coutume de croire que tout ce qui nous entoure est bien tangible et existe autour de nous indépendamment de la perception que nous en avons. Pourtant, la découverte de la physique quantique suscite une radicale remise en question de notre conception même de la réalité, comme elle favorise l’émergence d’une nouvelle psychologie de la personne.
Lorsque nous ouvrons les yeux et que nous regardons autour de nous, ce n’est pas le monde que nous voyons, mais plutôt celui que nos sens perçoivent. La perception est un processus complexe qui commence lorsque nos neurones sensoriels captent une information. En fait nous ne percevons pas directement la réalité. Ce que nous voyons, c’est l’image de la réalité que notre cerveau a créée à partir des influx sensoriels qu’il a reçus et des innombrables associations qu’il a puisées à même son vaste réseau de neurones.
C’est le cerveau qui en fin de compte perçoit la réalité et qui crée pour nous notre interprétation du monde. Nous inventons constamment l’univers que nous percevons, car en fait il n’y a ni lumière, ni couleur en soi mais des ondes électromagnétiques, pas de musique mais des variations momentanées de la pression de l’air, pas de chaud, de froid mais des molécules en mouvement… nous comprenons alors que tout est relatif, pas seulement l’univers physique.
Comment la psychologie quantique définit les nouveaux observateurs ?
Ils ont compris qu’ils ont beaucoup à apprendre sur l’importance du rôle qu’ils peuvent avoir en tant qu’observateur de leur vécu. Ils savent qu’ils vivent dans une réalité interactive dans laquelle ils peuvent changer la perception du monde qui les entoure. Dans ce nouveau paradigme de la réalité, observer c’est croire, et les nouveaux observateurs ont bien conscience qu’ils rencontrent dans leur expérience ce à quoi ils adhèrent, leur système de croyances. Ils savent que leur réalité extérieure est l’image de leur vérité intérieure. Par conséquent ils se sentent responsables de leurs expériences et de leurs rapports sociaux, puisqu’ils en sont tout à la fois le créateur et le participant. Ils sont à l’avant-garde d’un univers qui rend cela possible : celui du monde subatomique, terrain d’observation de la physique quantique et aussi terrain qui nous constitue.
Quelles pourraient être les conséquences de ce changement de perception ?
On pourrait presque dire inimaginables ! Selon la nouvelle compréhension des choses, tout ce qui survient dans nos expériences découle de ce que nous avons accepté comme vrai à l’égard de notre réalité. En fait nous ne sommes limités que par la perception que nous avons de nous-mêmes. Mais réalisons-nous que nous sommes habités de potentialités qui dépassent l’entendement ? La conscience de notre plasticité neuronale est là pour ébranler dès à présent notre vision du monde. Avec cent milliards de neurones et dix mille milliards de synapses, réalisons-nous aujourd’hui que les pensées que nous émettons ou recevons sont en mesure d’influencer les informations cellulaires ainsi que l’espace qui nous entoure ? Ce qui signifie que le changement social que l’on attend dépend uniquement de nous, de notre attitude intérieure, la mutation est en nous.
Pourquoi n’est-ce pas encore d’actualité ? Qu’est-ce qui freine encore cela ?
La plupart du temps nous construisons la réalité à partir de notre réserve préexistante de souvenirs, d’émotions et d’associations, alors comment pouvons-nous concevoir quelque chose de nouveau pour sortir du piège de nos habitudes ? Nous voyons ce que nous voulons croire et nous détournons notre attention de ce que nous ne connaissons pas suffisamment. Voir avec d’ « autres yeux » c’est s’ouvrir à d’autres possibles. Plutôt que de me souvenir de : qui je suis, je vais essayer de me rappeler : qui je veux être, me décider à éprouver de nouvelles émotions. Ce nouveau choix conscient demande de sortir de nos habitudes de fonctionnement, d’expérimenter activement et délibérément le pouvoir de nos propres croyances.
Nous intégrons alors plus rapidement que nous vivons dans une réalité interactive dans laquelle nous pouvons changer la perception de la réalité qui nous entoure. Si notre réalité n’est rien de plus que le produit des questions et des attitudes que nous portons en nous, et si elle ne prend forme qu’au bout d’une longue chaîne de souvenirs, de perceptions et d’observations, il ne s’agit alors pas tant de chercher comment la transformer que de se demander pourquoi nous ne la changeons pas. C’est, je pense, dans la réponse à cette question que se trouve la clé du changement.
Alors quelle est la réponse à cette question, ou la clé du changement ?
Ce sont nos addictions émotionnelles qui nous entraînent dans nos habitudes de fonctionnement.
Nous préfabriquons notre réalité, nous créons la matière de notre quotidien à partir de nos croyances, que nous en ayons conscience ou non. Mais si nous en sommes conscients, nous pouvons utiliser cette illusion pour vivre nos véritables désirs. Nous ne sommes plus le simple spectateur de notre vie, mais le créateur pluriel de nos expériences dans un univers participatif. C’est avec ce changement de perspectives que notre réalité peut basculer immédiatement, alors que nous avons souvent l’impression que le chemin pour mettre fin aux processus qui ne nous conviennent pas, est forcément long et compliqué : c’est ce qu’on appelle faire un saut de conscience, un saut quantique…
De quelles lois quantiques vous inspirez-vous ?
Pour commencer, la physique quantique a gommé la séparation entre le sujet et l’objet, amenant une relation intime entre l’observateur et ce qu’il observe. Se pose alors la question fondamentale du : « Qui regarde, quand je regarde ? » qui me place directement dans le point de vue de la Conscience, et amène une autre question tout aussi fondamentale : Et si tout ce qui m’entoure n’était rien de plus que les mouvements de ma conscience ? Alors c’est ma conscience qui crée la nature de ma réalité : Ce que je suis me regarde. Mais quelle est la dimension en moi qui s’exprime quand je m’exprime ? La réponse dépend de ma liberté d’action, c’est-à-dire de mon système de croyances et de mes émotions. Et puisque dans le système quantique la réalité que je connais est constamment recréée à chaque instant, je peux redéfinir mes choix et décider à n’importe quel moment de sortir du film qui ne me convient pas : en changeant les codes qui informent mes cellules car mon ADN répond de façon immédiate à tout ce que je dis, à tout ce que je crois (voir à ce sujet les travaux d’Emile Pinel). Les cellules ont un mode de communication de type quantique ; elles communiquent entre elles par la lumière. La lumière est une forme d’énergie produite par la matière et elle est porteuse d’information, ainsi les prises de conscience que je fais transforment instantanément mes informations, mon ADN. Dans la réalité quantique, le temps et l’espace, caractéristiques fondamentales du monde dans lequel nous vivons, sont remplacés par l’idée que l’Univers est un organisme vivant où tout est interconnecté, intriqué. Je suis donc intimement en communion avec le Tout et ce que je pense influence le monde et la nature de ma réalité. Dans cet enchevêtrement quantique où tout n’est qu’information, l’illusion de la matière part de notre cellule et nous préfabriquons à l’intérieur de nous notre réalité extérieure.
Quel est le point de vue de la science sur cette nouvelle vision du vivant ?
C’est le nouveau paradigme scientifique qui a amené cette nouvelle vision du vivant, au regard de la physique quantique, l’émergence de l’univers se fait à partir d’un champ de potentialités, un champ immatériel qui ressemble davantage à une mer d’informations qu’à de la matière. L’univers, notre monde, notre corps sont composés d’un champ commun d’énergie. Les sciences du vivant sont à l’aube d’une révolution conceptuelle radicale. L’être humain se replace aujourd’hui dans l’univers physique avec sa conscience et parallèlement, au vu des dernières mesures en astrophysique, l’univers n’a jamais été aussi grand. Les concepts newtoniens d’espace et de temps, qui ont défini la réalité comme mesurable et l’univers comme un système mécanique constitué de composants élémentaires matériels et solides, ne sont plus adaptés.
Conclusion
Ainsi, notre tendance à fragmenter le monde et à ne pas tenir compte de l’interconnexion globale qui le nourrit est à l’origine de la plupart des problèmes qui se posent dans notre univers social ; les nouveaux observateurs ont délibérément choisi de s’affranchir de cette illusion de séparation, ils considèrent l’univers comme un organisme vivant où tout est hautement interconnecté.
Pascale de Gail-Athis
Psychobiologue, cocréatrice et directrice artistique du Centre des Arts Holistiques à Paris, galerie d’exposition et centre de thérapies, elle y anime, entre autres, les master class : un programme et une méthode pour vivre en conscience sa vie.
www.centredesartsholistiques.com