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Crédit : www.mademoisellemaurice.com - Photo : Stève Siracuse

Le courage de la vulnérabilité

vulnérabilité


Il faut. On doit. Savoir dire oui. Savoir dire non. Se moucher et dire bonjour à la dame. 
Apprendre. Comprendre. Se conformer. Accepter. Pleurer, mais seul. Savoir, juste ce qu’il faut pour ne pas se faire mal. Donner sa raison d’être, à d’autres. Faire ce que l’on attend de nous, toujours, pour être aimé, reconnu, un peu, de temps en temps et se dire que, plus tard, peut-être, on sera libre.


Contrôler, tout, tout le temps. Être fort. Se sentir coupable de ne pas toujours y arriver, d’être imparfait.
 Vivre le poids de la culpabilité originelle, de nos amis Adam et Ève, de cette culpabilité irrattrapable. Être le bon fils, le bon père, le bon amant, le bon employé, le bon patron, le bon citoyen, le bon humain, en adéquation avec les valeurs de notre espace-temps, de notre champ social, dans un monde où, pourtant, les valeurs peuvent différer d’une frontière à l’autre. Être jugé par la masse des autres qui semblent savoir ce qui est vrai et être ce qu’il y a de pire : son propre juge, impitoyable. Courber l’échine sous cette punition méritée et penser que l’on ne mérite pas d’être aimé. On ne se sent jamais assez « beau », assez « bien », assez « intelligent », assez « reconnu », assez « fort », « riche », « mince »…pour le mériter. Alors, on se bat contre nos peurs, nos hontes d’être vulnérable.


Il semble que ceux qui sentent mériter d’être aimé et qui ont le sens de leur propre valeur, ont en commun d’être des personnes sans réserve. Ils ont le courage d’être imparfaits
 (la définition originelle du courage, du latin cor veut dire « cœur » et signifie « raconter qui nous sommes de tout notre cœur »). Accepter sa vulnérabilité, c’est accepter que l’on ne peut pas tout contrôler et prévoir. C’est comprendre que la cohérence se trouve à l’intérieur de soi, comme le centre entre les deux hélices de notre ADN. À trop vouloir suivre une pensée positive permanente, on se prive de l’expérience : c’est parce qu’on connaît et qu’on assume sa part d’ombre, que l’on peut voir sa lumière… et l’offrir en partage. Si on ne va pas à l’intérieur, on va en manque vers l’extérieur. Aimer, soi ou les autres, ce n’est pas seulement aimer la Belle, c’est aimer la Bête aussi. Nos imperfections peuvent être au cœur de nos peurs, de nos hontes, mais il semble qu’elles puissent être aussi la source de nos joies, de notre créativité, de notre appartenance, de l’amour.


Nous anesthésions notre vulnérabilité alors même que nous vivons dans un monde vulnérable
. Or nous ne pouvons pas anesthésier nos émotions de façon sélective. Si nous anesthésions nos émotions négatives, nous anesthésions aussi nos joies. Ainsi, nous nous rendons malheureux de ne pas être heureux, à chercher un sens à nos vies, et nous nous sentons encore plus vulnérables : le cercle est vicieux.


À force d’entendre le monde nous dire « ta gueule, j’ai raison, tu as tort », on se jette dans une quête de perfection permanente.
 Sans doute que le pire dans tout cela est que l’on essaye aussi de rendre nos enfants parfaits, dans une compétition sans fin. Alors qu’il est possible que la clef soit de leur dire tout simplement « tu n’es pas parfait, la vie ne l’est pas, mais tu mérites d’être aimé ».


Acceptons de nous montrer vraiment, d’être vu profondément, prenons le risque de nous aimer nous-mêmes et d’aimer de tout notre cœur, quoi ou qui que ce soit, même s’il n’y a pas de garantie. Car si nous voulons des garanties dans la vie, nous ne voulons pas la vie mais la répétition d’un scénario déjà écrit.


Faire ce que l’on attend de nous ? Et puis quoi encore…